Fan d'Elton

J’ai vu Elton John sur scène plus d’une vingtaine de fois (24 fois exactement à la date du 21 juillet 2012). C’est beaucoup et c’est peu, comparé à certains fans et groupies de mes amis qui l’ont applaudi près d’une quarantaine de fois (quand on aime…). Le premier soir où je l’ai vu, c’était à Avignon, le 26 mai 1982, et la dernière fois c’était à Nîmes en juillet 2012. Ça fait 30 ans que je lui cours après, mais j’ai nettement ralenti la cadence depuis que mon idole a ralenti ses excès. Depuis qu’il ressasse son indécrottable répertoire à Las Vegas, la star britannique tourne de moins en moins en France et le prix du billet est de plus en plus prohibitif. Ses musiciens ne sont plus apparus chez nous depuis plus de dix ans, laissant désormais le chanteur en tête à tête avec son piano numérique déguisé en Steinway, et avec parfois, la présence à ses côtés du plus délirant des percussionnistes, le gigantissime Ray Cooper, dans un éternel remake de USSR 79. L’Elton John nouveau est arrivé comme arrive le beaujolais, lui et sa musique sont désormais plus sages. Exit le Captain fantastic, excentric, prolific, rythmic, mimic et photogénic.

I remember when I was young, me and Steph, Denis, Manue, Lolo and many others had so much fun. Nous attendions pendant des heures avant de pouvoir pénétrer dans le temple de la musique, qu’il fut parc des expositions, arènes ou palais des sports. Attendre debout, longtemps, sans broncher, sans faire pipi. Pour moi, l’attente commençait vers 14 h. Pour d’autres, plus tôt encore. Avec d’autres fans, on passait l’après-midi à bavarder, à évoquer toutes sortes de souvenirs à caractère eltonien, on liait connaissance, on se promettait de s’échanger des collectors sur l’idole, je notais précieusement les adresses de ces autres malades atteints, comme moi, d’eltonjohnite aigüe. C’est d’ailleurs à la faveur de ces longues attentes que j’ai rencontré, au fil des concerts, des personnes dont le contact a profondément transformé mon existence par la suite. J’attachais beaucoup d’importance à ces relations. Vers 19 h, les gorilles apparaissaient, signe qu’on allait pouvoir se dégourdir les jambes jusqu’à la scène. La séance de palpation pouvait commencer, fouille au corps, ouvre ton sac et dis bonjour au monsieur. Avec le temps ils sont devenus de plus en plus tatillons, c’est le cas de le dire. On interdit tout désormais. Dans les années 80, je pouvais passer sans problème avec mon gros réflex Canon 50mm, prendre des photos comme je voulais. Je vous en offre ici quelques-unes. Une fois agglutinés près de la scène, on savait qu’il faudrait attendre encore deux bonnes heures mais on sentait que la longue attente extérieure n’avait pas été vaine, c’était le prix à payer pour être à cette place, pour avoir le privilège de voir l’artiste de près. On avait mal aux jambes, certes, d’autant qu’il fallait prolonger la station debout jusqu’à la fin du spectacle. Puis Elton John entrait en scène, il saluait ses fans du premier rang en pointant du doigt ceux qu’il reconnaissait, par deux fois j’eus droit à ce geste de sympathie, avec un petit commentaire particulier (« I saw you yesterday in Toulouse »). Puis enfin, il attaquait la première chanson au piano. A ce moment, c’était comme si on avait atteint l’Everest après une interminable randonnée.

Cela fait bien longtemps que j’ai abandonné ce type de performance pour être au premier rang. D’une part, mes guiboles des années 2010 ne me permettent plus cet exploit physique mais le jeu n’en vaut plus la chandelle. Elton et moi, on n’a plus vingt ans. Le rocker et le fan d’hier ont laissé la place à un crooner pour gotha et à un webmaster nostalgique. En plus de quarante années de carrière, Elton John a déplacé des dizaines de millions d’admirateurs, partout dans le monde. 42 ans après Your Song, il est toujours là. Il a vu partir nombre de ses amis dans des conditions tragiques, Gianni Versace, Freddie Mercury, Lady Di ; il a lui-même subi une opération du cœur, et même des cordes vocales d’avoir trop chanté. Si les homophobes le blâment, si ses détracteurs n’ont jamais trouvé d’autres arguments que ses mœurs pour le dénigrer, nombreux sont celles et ceux qui peuvent témoigner de sa générosité. Comme le fit Mickael Jackson, Elton John a toujours reversé une partie de ses gains aux associations caritatives, quand il ne faisait pas lui-même des dons en nature, comme ce superbe banc de piano qu’il offrit sous mes yeux à un fan, un soir de concert.

Dans ma tranche de vie de fan d’Elton John, qui dura une vingtaine d’années environ, il y eut des moments forts, inoubliables. Il y eut aussi des rencontres qui comptent énormément pour moi aujourd’hui. Comme la plupart des fans, j’étais atteint du virus de la collection. Je collectionnais absolument tout ce qui était à l’effigie de mon idole, vinyles, photos, livres, magazines, posters, teeshirts, badges, plv, coupures de presse, je guettais la moindre de ses apparitions à la télé, j’étais carrément obnubilé, phagocyté, obsédé, captivé, accro d’Elton. Cette dévotion m’incita à apprendre le piano afin de pouvoir chanter ses chansons. Et puis, à force lui courir derrière, parfois la providence me filait des petits coups de pouce. Comme ce soir-là, à Monte Carlo, où je pus serrer la main d’Elton John ou encore ce matin-là où je pus pénétrer dans l’école primaire où allait Elton, enfant. Ainsi, en mai 1988, tandis que j’arpentais les rues de Pinner (le village natal d’Elton John, situé au nord de Londres), je demande à une jeune passante où se situe l’école primaire que fréquentait le petit Reginald. Elle me répond très aimablement qu’elle aussi allait dans le même établissement et me propose de m’y accompagner à pied. Rendus sur place, une dame d’un certain âge nous accueille. Elle reconnait la jeune femme qui lui explique la raison de ma venue. On me laisse entrer, regarder la salle de classe et contempler un panneau en bois dans l’entrée sur lequel sont gravés les noms des élèves de Reddiford School. Je peux y lire Reginald Dwight. (Photo ci-contre, cliquer pour agrandir)

De cette vie de fan, il me reste des souvenirs, des photos, quelques livres et des amis. Je pense en particulier à Denis, d’Aubergenville et à Laurent, de Montélimar. Lolo est resté fan comme au premier jour. Il a épousé une fan, tous les deux ont fait de leur appartement un petit musée dédié à Elton John. On se revoit de temps en temps et on évoque ensemble le bon vieux temps. Je vous laisse poursuivre la lecture de cette longue page. Maintenant, vous savez ce qu’est une vie de fan.

 

Dates et lieux des concerts auxquels j’ai assisté
Vous apprécierez l’augmentation du prix des places au fil des années.

1982 : 26-05 : Avignon (Parc des expositions) : 80 F*
1984 : 04-06 : Avignon (Parc des expositions) : 95 F
1984 : 05-06 : Nice (Parc des expositions) : 95 F
1985 : 14-12 : Londres (Wembley Arena) : £ 12,50
1986 : 07-03 : Toulouse (Palais des sports) : 120 F
1986 : 08-03 : Toulouse (Palais des sports) : 120 F
1986 : 11-03 : Marseille (chapiteau Bonneveine) : 120 F
1989 : 27-03 : Paris (Bercy) : 160 F
1992 : 11-03 : Nîmes (Arènes) : 180 F
1992 : 12-07 : Nîmes (Arènes) : 180 F
1993 : 25-05 : Paris (Bercy) : 190 F
1993 : 08-06 : Toulon (Zénith Omega) : 180 F
1994 : 12-11 : Paris (Zénith) : 290 F
1994 : 15-11 : Paris (Zénith) : 260 F
1995 : 01-07 : Monte-Carlo (Sporting Club) : 800 F**
1995 : 05-07 : Nîmes (Arènes) : 180 F
1998 : 01-07 : Paris (Bercy) : 210 F
1998 : 12-11 : Lyon (Halle Tony Garnier) : 263 F
1998 : 07-12 : Paris (Bercy) : 400 F
2001 : 04-04 : Nice (Nikaïa) : 350 F
2001 : 05-04 : Nice (Nikaïa) : 430 F
2003 : 13-07 : Nîmes (Arènes) : 85 €***
2010 : 29-09 : Toulon (Zénith Omega) : 67,50 €
2012 : 21-07 : Nîmes (Arènes) : 78 €

* soit 12 €         ** inclus de dîner          *** soit 560 F


Rencontre avec Elton John

Dîner-spectacle au Sporting Club de Monte Carlo,
samedi 1er juillet 1995

Tout commence par une annonce dans la presse. La réservation se déroule par téléphone en relation directe avec le Sporting Club de Monte Carlo. Le type insiste sur une information essentielle : il faut payer cash sur place, 800 balles, soit 120 de nos euros, pour le dîner + le spectacle + l’endroit (c’est pas la MJC du coin). Le tarif n’est pas excessif, cette somme étant aujourd’hui le prix d’un simple billet de concert à Paris. A bord de ma Clio, une fois la route accomplie et ses innombrables péages, j’arrive à la principauté. En attendant le grand soir, je passe l’après-midi à flâner dans les rues parmi les immeubles grand standing, il fait chaud, nous sommes en plein été sur la Côte d’Azur. L’heure approche, il convient de se vêtir de la tenue correcte exigée. J’enlève mon bermuda pour enfiler un costard jaune, discrètement sur un parking. J’approche du Sporting Club, des types attendent les voitures qui arrivent, s’emparent des clefs et vont les garer. Confiant, je me soumets à la procédure en prenant soin de ne pas oublier mon sac en plastique qui contient un cadeau que j’ai l’intention d’offrir à Elton si je parviens à l’approcher. En haut des marches de l’entrée, une formation de musiciens en sombreros accueille les invités de leurs guitares au son mexicain. Je suis mon hôte jusqu’à la table qui m’est réservée car ce soir, je m’offre un dîner-spectacle dans une des plus belles salles du monde en compagnie de l’artiste que j’apprécie le plus. L’accès à la salle se fait curieusement par la scène, au sol je remarque des dalles de couleurs éclairées. Il y a des petites lampes partout sur les tables. Un orchestre de jazz accompagne le repas, l’ambiance est feutrée. Je suis entouré de toutes parts par des gens pleins aux as, je me sens presque privilégié d’être intégré le temps d’un soir au pays des flambeurs.

Soudain, le gigantesque plafond s’ouvre en deux panneaux qui coulissent silencieusement découvrant totalement la salle sous un ciel obscur et constellé. L’endroit est féérique. Surtout au moment où Elton John entre en scène, accompagné de ses musiciens, dont Ray Cooper qui fera un solo de percussions complètement démentiel. Le concert commence. J’attends une bonne demi-heure avant de me lever et de m’approcher de la scène, non sans avoir pris soin de prévenir le serveur de cette intention. Lentement, je me faufile entre les tables avec mon sac en plastique jusqu’au bord de la scène. J’aperçois un photographe officiel qui couvre l'événement. J’échange tout bas quelques mots avec lui. Il me dit que la veille au soir, il a fait beaucoup de photos du même concert, qu’il a toutes les photos dans sa voiture et que si ça m’intéresse, à la sortie du concert, il veut bien me vendre celles que je choisirais. C’est le Dieu des fans qui l’a mis sur mon chemin celui-là.

Tandis qu’Elton termine Can You Feel The Love Tonight, je sors du sac un portrait de lui que j’ai fait et encadré et le brandis à deux mains sous son nez. Elton me regarde, s’approche, prend le cadre et me serre la main. Je lui tends aussitôt le menu de la soirée avec un crayon. En plus de la poignée de main, j’ai aussi droit à l’autographe de mon idole. Et, comble du bonheur, le photographe me confie avoir immortalisé la scène sur la pellicule. Je décide de ne pas revenir à ma table pour la suite du spectacle, profitant d’une chaise libre près de la scène, à côté du photographe qui continue à mitrailler. Tout ça sans avoir poireauté pendant des heures, Monaco c’est vraiment un autre monde.

A la sortie du concert, chacune et chacun attend maintenant sa voiture. Je vois passer des Bentley, des Porsche, des Ferrari, soudain une Clio, ah ! c’est la mienne. Si les autres lâchent un billet au coursier, moi ça sera une pièce de 10 balles, oh, y’a pas marqué Crésus là. Avant d’attaquer le long ruban de bitume qui mène à mon domicile, je fais un détour par le parking proche, dans l’espoir que le photographe tienne parole. Oui, il est là ! Vraiment sympa Jean-Michel, c’est son nom. Il ouvre le coffre de sa voiture et m’en met plein la vue. Je lui laisse mes coordonnées. Quelques jours plus tard, mon téléphone sonne. Surprise, c’est Jean-Michel, il est en ville et m’attend à la terrasse d’un café. Il venait m’offrir un agrandissement de la photo qu’il avait prise de moi serrant la main à Elton John.

La salle du Sporting-Club de Monte Carlo a une capacité de 930 couverts. Dans l’assiette ce soir-là : Légumes du jardinier Provençal, Gambaroni et Saint-Jacques juste saisis au vinaigre tiède, Rosette de filet de bœuf parmentier et ses quenelles aux deux purées, Couronne chocolatée aux croustillants et sa crème anisée, Mignardises Sporting Club.


J’aurais voulu être… Elton Jooooohn…

Dans les années 90, je cultivais la ressemblance avec Elton John. Par dévotion pour la star, je me suis attelé au piano des années durant, travaillant ses chansons comme un forcené. Moi qui n’avais jamais appris le solfège, face aux partitions de Island Girl ou de Kiss The Bride, j’étais comme un analphabète qui aurait décidé d’avaler l’œuvre de Victor Hugo. L’effort payait peu à peu. A la mesure des progrès que j’accomplissais, je donnais de modestes spectacles dans un périmètre assez restreint autour de mon domicile (on ne pouvait pas appeler ça des concerts), à Istres, Fos, St-Martin de Crau, St-Cannat, Arles, Pélissanne, Raphèle, St-Rémy de Provence, Avignon, Maussane…

Dans les premiers temps, la qualité de l’interprétation laissait à désirer. Mes doigts maîtrisaient mal le clavier mais heureusement ma mémoire était fidèle, je retenais déjà les textes par coeur. Peu à peu, j’ai commencé à assimiler les chansons plus rapidement, à avoir un répertoire plus conséquent et surtout à pouvoir m’accompagner à peu près convenablement au piano. C’est alors que je me suis mis à me produire en public. Quelques mimiques par-dessus et le tour était joué. Bien que les scènes sur lesquelles je montais ne valaient pas celle du Zénith ni celle de Bercy, je conserve de ces spectacles un excellent souvenir. Se payer la tête de celui qu’on admire et interpréter son œuvre me procurait un plaisir assez intense. Par exemple, lorsque je chantais Sorry Seems To Be The Hardest Word, Crocodile Rock ou n’importe quel autre morceau, j’avais l’impression d’ÊTRE Elton John. Je me disais que mon état d’âme en cet instant précis devait être pareil au sien, comme une osmose. Au fond, l’interprète n’est-il pas un peu comme l’idole dès l’instant où il interprète son œuvre ? Comme un acteur EST le personnage qu’il incarne. Ainsi, pendant une heure et demie, j’étais Elton John parce que je jouais le rôle d’Elton John. Le scénario, je le connaissais par cœur. Il y eut quelques moments inoubliables dans ma courte carrière de pseudo-Elton. Par exemple cette journée à Arles où, pour la première fois de ma vie, je chantais devant 600 personnes en jouant sur un véritable piano à queue (photo ci-dessus). Aujourd’hui il ne reste de cette époque que des photos et quelques articles de presse. Ma modeste gloire de pianiste s’est éteinte comme une chandelle dans le vent.

La set-list :

  1. Believe
  2. Better Off Dead
  3. Blessed
  4. Blue Eyes
  5. Candle In The Wind
  6. Can You Feel The Love Tonight
  7. [ Crocodile Rock ]
  8. Don’t Let The Sun Go Down On Me
  9. Empty Garden
  10. Goodbye Yellow Brick Road
  11. Hercules
  12. I’m Still Standing
  13. I Guess That’s Why They Call It The Blues
  14. I Need You To Turn To
  15. Island Girl
  16. Kiss The Bride
  17. Legal Boy
  18. Lies
  19. Little Jeanie
  20. Lucy In The Sky With Diamonds
  21. Nikita
  22. Nobody Wins
  23. One More Arrow
  24. Philadelphia Freedom
  25. [ Recover Your Soul ]
  26. Restless
  27. Sacrifice
  28. Sad Songs
  29. Saturday Night’s All Right For Fighting
  30. Skyline Pigeon
  31. Song For Guy
  32. Sorry Seems To Be The Hardest Word
  33. Sweet Painted Lady
  34. The Last Song
  35. The One
  36. Your Song

   

Dom's - 18 septembre 2010 à 11:05

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